samedi 5 novembre 2011

Jour 2: Machhakohla (869m) – Salleri (1350m) – 6h

Samedi 5 novembre

(Lien vers la carte du trek: ici)

La journée débute à 5h30… même si le réveil était fixé à 6h30. Difficile en effet de vivre à contre temps ici: pas d'isolation, proximité extrême et lever du jour. A 5h30, donc, on est réveillé par le défilé continu de tout l'hôtel aux toilettes… Ce n'était donc pas si idéal que ça d'être à côté des latrines…

Dehors la vie démarre aussi avec la vaisselle et la toilette, toujours dans la même "fontaine" à ras le sol, juste sous nos fenêtres. Les discussions et les rires vont bon train, mêlés au chant des coqs et au bruit du torrent.

Un des aspects choquant pour nos oreilles d'occidentaux est le bruit continu de toux, raclements de gorges et crachats du matin. La journée, nous sommes frappés par le nombre de gens qui crachent, mais le matin c'est assez peu ragoûtant et très bruyant!

Juste sous notre fenêtre un tibétain prépare son cheval. Un matelas en sac de riz, puis une couverture et un bât sanglé sous la queue et sous le ventre. Enfin, un licol de clochettes et une encolure de cuir. Une sorte de muselière lui permet de nourrir le cheval et elle sera troquée pour la marche, par une sorte de grille qui empêchera l'animal de chercher à brouter tous les 2 mètres!

A 6h30, mon réveil sonne, l'heure d'aller secouer ma marmaille alors que la vie bat déjà son plein dehors. Caravane de mulets et marcheurs sont à l'œuvre. La lodge est d'ailleurs complètement vide alors qu'à 6h, vingt personnes prenaient le thé dans la cour.

A 7h on prend notre petit déj classique maintenant, avec thé noir, œufs durs et Chapati au miel. Parfait pour nous même si je continue à trouver qu'on mange beaucoup d'œufs. Avant de partir on fait vite le plein d'eau, l'occasion de voir que l'histoire de l'eau met un peu notre guide mal à l'aise. L'eau locale est mauvaise pour nous, le fait d'en préparer plusieurs litres pour la famille le dérange un peu et l'achat de bouteille d'eau minérale à 1.- le litre l'ennuie aussi parce que ce n'est pas compris dans le forfait et qu'il doit nous avancer l'argent. En effet en partant de Katmandou on devait s'arrêter faire du change et comme souvent sa réponse a été "No problem" et de fait on ne s'est pas arrêtés… Résultat on est plein de francs suisses…et pas moyen de s'acheter un truc à 1.-frs…! Mais de toute façon pour être cohérent on devrait éviter de boire de l'eau en bouteille et se mettre à préparer notre eau, mais sans la bouillir, ce qui consomme trop de bois et aggrave la déforestation qui menace avec le déséquilibre provoqué par l'arrivée des touristes. Idem pour l'eau chaude et la préparation de plats multiples… Mieux vaut une douche froide et un plat unique qui consomme bien moins. Le système que j'ai choisi pour notre voyage est le Steripen, petit stylo qui émet des UV et stérilise l'eau de manière comparable au Micropur, avec comme avantage d'être non chimique et sans goût, et comme désavantage d'être à pile (un format assez cher, mais utilisable avec des accus) et d'être un chouia plus lourd. Aujourd'hui donc je teste pour la première fois ce moyen… on verra bien. Il nous reste 5 jours jusqu'au col, et je me dis que je peux encore me soigner si jamais.

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Après seulement 45 minutes de marche le long du fleuve Burhi Gandaki, nous sommes interrompus par un événement rare… Un cheval est tombé à l'eau quelques centaines de mètres plus haut, il a réussi à sortir de l'eau mais du mauvais côté de la rive, malheureusement le plus escarpé! Tout le village est là pour assister à la tentative de sauvetage.

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Deux hommes ont fait le détour par le prochain pont et sont arrivés jusqu'à lui.

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Les autres hommes du village tentent alors de faire passer une corde à travers le torrent; d'abord un filin, puis la corde principale, mais la distance est trop longue pour ne pas "mouiller" la corde et assez vite la pression de l'eau sur la corde devient trop forte pour le filin qui lâche. Je trouve un peu étonnant qu'ils tentent de faire passer la corde en cet endroit, un des plus large et surtout qu'ils le fassent perpendiculairement. Timidement je commente à notre guide et le voilà qui suggère de recommencer à un endroit plus étroit et en diagonale pour forcer moins sur la corde… Heureusement personne n'avait entendu/compris mon commentaire (justifié mais peut-être déplacé) et finalement la corde a pu être passée de l'autre côté. Limite en longueur d'ailleurs… et c'est alors qu'a commencé le travail de sangler le cheval tout en maintenant la corde emportée par le torrent…: une diagonale aurait été mieux mais la corde était trop courte. Le cheval, en gros pendu par le cou, est ensuite descendu docilement à l'eau. Là ça s'est vite compliqué, le cheval se faisant couler par la pression de l'eau, maintenant à peine son museau hors de l'eau pour respirer.

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Après quelques minutes il est ramené en bout de corde du bon côté et met plusieurs minutes à reprendre son souffle…C'était assez tendu et on a bien compris le challenge pour les villageois!

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Toute la scène se déroule sous les regards des habitants mais surtout des enfants qui sont hallucinés de nous voir et nous entourent de leur curiosité. Mon appareil de photo fait sensation et j'ai du mal à filmer car chacun veut voit l'image et tourne l'écran face à lui… Du coup plus d'image et un film qui va être bien saccadé! Evidemment c'est difficile de leur faire comprendre!

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J'en profite pour les prendre en photo et leur montrer leurs bobines: c'est l'émeute!

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Un des petits est fasciné par mes jambes et surtout mes genoux, probablement les plus doux qu'il a jamais caressés et il ne se lasse pas de les toucher! On vit vraiment un moment génial! Mais ce n'est pas ça qui nous fait avancer … il nous reste 6h de marche… Chitra nous enjoint donc à mettre les voiles et on laisse le village célébrer leur victoire.

Au fil des heures nous croisons des villages Brahmanes, Gurung et Magar, mais de plus en plus de Tibétains aussi. Dans un des villages (quand je dis village c'est souvent plutôt deux-trois maisons) une source d'eau chaude permet à tous de se doucher chaud et le lavoir commun est ainsi assailli par les marcheurs qui profitent de la seule eau chaude qu'ils auront probablement avant longtemps! Deux soldats font ainsi leur toilette à côté d'un jeune "yo" qui lave ses jeans! Nous continuons le long du fleuve pendant 2h avant qu'il ne prenne de plus en plus des allures de torrent et que nous commençons donc à monter plus franchement. Au détour d'un pont suspendu on observe de loin des singes Lungu au corps blanc et à tête noire avec une barbe blanche, la végétation devient de plus en plus abondante sur les flancs presque verticaux de la vallée.

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Tisseuses au travail

Après 3h00 on arrive au point de "ravitaillement" mais le "bistrot" est un peu plein et Chitra préfère nous faire marcher une heure de plus pour trouver un endroit moins peuplé. Nous croisons ici un autre groupe de touristes, américains cette fois.

Nous nous arrêtons donc après 4heures de marche, c'est un peu le moment où la famille commence à fatiguer, dans un petit coin de restaurant sur un immense rocher (le nom du lieu veut d'ailleurs dire Grand Rocher). Là nous tombons sous le charme d'une petite gamine de 3 ans environ qui illumine de son sourire et de son rire.

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Elle joue avec ses deux grands frères et c'est le spectacle pour nous. Après le Daal Bhat nos enfants leurs offrent des balles de jonglages et c'est la fête. Ils jouent ainsi ensemble une heure pour le plus grand bonheur des adultes de toutes ethnies qui les regardent en riant. Encore une belle démonstration que nos enfants sont notre meilleur passeport!

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Le restaurant est modeste mais notre Daal Bhat est bon.

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La pancarte à l'entrée dit "We have good room and camping"… mais le détour par les chambres montre à quel point tout cela est simple; simplissime… ici par exemple, on est bien content de ne pas y dormir, les lits (comme partout d'ailleurs sont faits de deux trois planches qui plus est, espacées, sur quatre carrelets), et que ça a surtout l'air d'une écurie à côté des toilettes.

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On croise pour la X-ième fois un groupe de porteurs qui amènent des treillis et des tuyaux de canalisation pour l'eau. Une femme marche avec eux et porte 40kg. Les hommes quand à eux portent 80kg chacun… Chitra nous explique que les porteurs sont payés au poids, 20 RS (=16 centimes) par jour et par kilo… donc c'est pas compliqué, plus ils chargent plus ils gagnent!

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L'après-midi se déroule facilement, il ne reste que deux heures de marche. En sortant d'un petit groupe de maisons, on est arrêté par un homme ventripotent qui se lave et qui engage la conversation dans un anglais parfait. Il est médecin militaire et voyage avec nos deux soldats de la douche thermale pour se rendre à Philim, à 3 jours de marche. Là le gouvernement veut ouvrir deux structures révolutionnaires pour la vallée. Un centre de soin, où ce médecin généraliste travaillera avec un collègue et un bureau administratif pour amener l'administration plus loin dans la vallée. Jusqu'à aujourd'hui, le moindre formulaire, la moindre demande, nécessite de descendre à Arughat, soit à 3 jours de marche. Les soldats quand à eux sont également en repérage pour implémenter une structure militaire plus proche de la frontière chinoise, à seulement un jour de marche de Pilim (?). Il semble que les chinois sont en masse très proche de la frontière côté Tibétain alors que l'armée népalaise est beaucoup plus loin de la frontière. La discussion tourne autour de la vie de médecin et nous échangeons quelques réflexions sur le manque de médicaments et soins dans ces montagnes.

Nous traversons ensuite une sorte de plaine herbeuse au bord du torrent et pour le reste de la marche le chemin serpente à altitude constante jusqu'à Jagat, assez grand village que nous dépassons d'une demie heure pour nous arrêter dans le petit village de Salleri.

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Ces deux derniers villages sont très soignés et propres avec une chemin de petite dalles tout le long. En arrivant à Salleri, accueil chaleureux par les gens qui nous offrent des fleurs. On est déjà dans un environnement plus touristique. Je ne comprends juste pas pourquoi ici et pas déjà plus bas. Une vingtaine de petits enfants de 1 à 6 ans nous tournent autour et quand Julie sort les ballons de baudruche c'est la folie qui s'empare de la place! Mythique… tous veulent leur ballon et on a beau essayer de n'en donner qu'un par enfant pour en garder quelques uns pour après, on se rend bien compte qu'on se fait blouser et que certains arriveront à cacher le premier dans une poche ou réclamer un deuxième... C'est tellement peu… qu'on ne peut pas résister!

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Je profite de la luminosité encore présente à cinq heures pour allez piquer une tête dans le torrent… Vite dehors, la tête, car c'est vraiment frais! Mais je peux me faire un shampooing et c'est déjà pas mal.

La lodge jouxte un camping dans le quel une équipe de français campe. On fait connaissance et c'est un autre pan du trek qui s'ouvre à nous. Partis avec Aventure 6000, ils sont 7 avec… 7 mules, 3 muletiers, 5 cuisiniers + un chef de cuisine, 3 porteurs et un guide… DIX accompagnants pour 7! Et notre guide de les regarder de travers sans le dire, car pour lui c'est la moins bonne façon de voyager. Cuisine et confort européen, et presque aucun apport à la communauté locale en ne payant que pour le site. Pas de consommation, pas d'échange. Nous ne voyons pas forcément cela de manière si carrée, mais on vit deux aventures différentes! On rencontrera plus tard une autre équipe qui voyage à 13 avec 50 personnes de staff!!! et encore après un groupe de 5 avec 21 porteurs, cuisiniers, guides etc... Le monde en marche...

L'accueil dans la loge est vraiment fantastique.

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La femme qui la tient est très bavarde et Véronique engage tout de suite le dialogue sur les enfants, les âges etc… Facile avec les mains et à essayer de répéter les mots en Népalais, on fait vite rire les gens. Immédiatement l'ambiance est conviviale si bien que le Daal Bath est accompagné par un cours de Népalais.

On oublie tout à la seconde évidemment mais c'est très bon enfant! Titouan sort alors le Lonely Planet et se met à lire les expressions classiques traduites dans les deux langues. Les jeunes filles adorent et tous rient pendant une bonne heure…Les filles et les garçons du coin qui ont un peu les mêmes âges que nos enfants commentent et enseignent aux nôtres. De là à ce que la mère trouve que Julie ferait une chouette belle-fille, il n'y a qu'un pas et pour qu'une des demoiselles trouve que Julie ferait une chouette belle-sœur, qu'un autre! On rit énormément!

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Laissant les enfants à leur jeu de drague, nous faisons connaissance, autour du feu de cuisine, avec un Népalais de notre âge, ancien guide, qui tient la loge que nous aurons demain à Deng ainsi que celle juste avant le col. Discussion passionnante avec un homme cultivé, qui connaît une masse de choses sur l'Europe sans y être jamais allé et qui a suivit les cours de l'Alliance Française de Katmandou, qui lui laisse un français impeccable presque sans accent. Il parle aussi l'anglais et l'allemand. La discussion va de sa vie à notre voyage, juste interrompue toutes les 10" par les enfants qui veulent étoffer leur vocabulaire!

Le tour du Manaslu est à son avis trop méconnu et c'est dommage (en dehors de son propre intérêt, c'est clair!). La vue y est superbe et la proximité des sommets bien plus saisissante qu'aux Anapournas où l'on ne voit l'Anapourna I qu'à un seul moment du trek. Ici l'ambiance montagne est bien plus forte et sur une plus grande partie du tour. La présence des glaciers est également plus présente. En plus de l'authenticité, le tour est également plus agréable car la forêt monte bien plus haut qu'ailleurs, avec de la végétation jusque vers 3800m. Résultat inattendu pour moi, l'air est bien plus respirable qu'ailleurs, forcément plus riche en oxygène. Je n'y avais pas pensé. En plus il semble que la présence d'herbe rend la haute montagne moins pesante et psychologiquement plus facile à aborder. On se réjouit doublement. Il se réjouit particulièrement des prochains jours où il doit rencontrer des membres des autorités accompagnés de soldats (tiens donc, le monde des marcheurs est minuscule, surtout au même rythme et dans la même vallée!), dans le but d'établir des procédés plus simples pour certaines pratiques administratives, lui qui a deux lodges et souhaite en ouvrir d'autres. C'est intéressant d'entendre parler "problèmes administratifs" dans un coin qui a l'air si reculé!

Cette discussion nous amène jusqu'au bout de la nuit… ici c'est à dire au bout des bûches qui ont servi à faire le repas! On va donc se coucher tard… à 21h!

 

1 commentaire:

Jocelyn a dit…

"La présence des glaciers est également plus présente" j'adore ta prose Thierry ;-) Bon et ben votre trip a l'air bien roots, on est visiblement dans du très basique au niveau logement et bouffe, pas tout à fait ce qu'on a connu lors de notre trek au camp de base de l'Everest, j'espère que vous avez bien profité quand même.

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