jeudi 10 novembre 2011

Jour 8: Dharamsala (4460) – Larkye La (5160) – Bhimthang (3700) – 8h

Vendredi 11 novembre

Lever à 3h30 donc, même si je suis déjà à écrire mon journal à 2h45, ne pouvant plus dormir.
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La nuit a été très agitée pour moi et si j'en crois ma voisine qui ne dort pas non plus, je n'étais pas seul. L'altitude, toujours l'altitude… J'ai dû faire des cycles minuscules et un sommeil partiel entre-deux. Après quelques minutes j'entends Julie qui se plaint également de son mauvais sommeil. Dehors on entend les premiers marcheurs partir dans un boucan de fête, certains hurlants de joie, sûrement pour se donner de l'énergie!
Après un petit déj minimum, thé noir, biscuits, nous partons à 4h30 de bon cœur par un froid sibérien. Habillés au max, on sait qu'on devra vite se déshabiller mais le vent et le froid ne nous laissent pas le choix.
En traversant le camp, Julie marche d'entrée dans la rivière… et voilà déjà un pied mouillé!!! Mrd!!! Je gamberge un moment, en me disant qu'à 5000m avec du vent c'était le meilleur moyen de finir avec des gelures. Je demande donc qu'on s'arrête, on trouve des chaussettes de rechange et on rajoute des cornets plastiques pour étanchéifier les pieds. A priori ça marche, on démarre donc comme ça!
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Depuis quelques jours, on remarque que nous avons un bon pas. On rattrape donc assez vite ceux partis à 4h. La pleine lune rend la marche facile même sans éclairage et les montagnes semblent encore plus proches. Nous longeons la moraine du glacier pendant deux heures. Petit à petit nous avons droit à un superbe lever de soleil, le jour chassant la nuit comme un lever de rideau horizontal. Je me réjouis déjà des premiers rayons sur le Manaslu que nous voyons sous un bel angle sur notre gauche.
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Tout à coup c'est le feu d'artifice. Les montagnes s'enflamment et se drapent de jaune-orange et les reliefs se redessinent. La glace se remet à briller et pendant un temps un jeu d'ombre croisé se dessine sous nos yeux, entre les derniers rayons de lune et les premiers du soleil! Unique!!
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Lentement nous progressons, les effets de l'altitude se faisant malgré tout sentir. Jolan et Julie ont mal à la tête, je leur donne un antalgique, en sachant qu'il faut tenir une heure avant le sommet et qu'après la descente, tout ira mieux de toute façon.
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En arrivant proche du col, nous traversons un petit lac forcément gelé et j'en profite pour m'écarter du chemin pour prendre une photo: grosse erreur, j'ai un pied qui passe à travers la glace et plonge dans la rivière dessous.... Ça c'est très mauvais! Heureusement, chaussures en goretex bien serrées, seul un minimum d'eau pénètre! Je dois supporter le froid une petite heure, ensuite le soleil et la descente feront passer tout ça!
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Nous arrivons au col avec plusieurs autres marcheurs, heureux de la chance qui nous sourit incroyablement! La météo est juste parfaite, température supportable, et presque pas de vent, le timing idéal avec ce lever de soleil et ce coucher de pleine lune, et arrivée à 8h00, en ayant gagné une demie heure. On est très conscient de notre immense chance d'être là et aussi de pouvoir passer. Un demi-tour aurait signifié 3 jours de marche de plus, en plus de la frustration que cela aurait inévitablement généré.
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Nous sommes heureux comme tout et fiers de nos enfants (pourquoi ne pas le dire…) eux qui marchent sans broncher et même dans la bonne humeur pour un trip paternel surtout, depuis 8 jours. Bonne ambiance, aucun tiraillement, comme si la compression forcée en camping car avait permis une décompression dans cette nature infinie, et ce monde si pur!
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Sur le col, comme de bien entendu, de multiples drapeaux de prières flottent au vent. Nous ne pouvions manquer à la tradition et nous en avons emporté de quoi faire une belle banderole. Nous les préparons en famille et sortons aussi notre drapeau suisse!!! Pour obéir au défi des Tinguely, nous planterons là notre deuxième jalon, après celui laissé au nord des Lofoten.
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Nous expliquons le jeu à deux sœurs bernoises qui trekkent aussi et l'idée leur paraît géniale! Séance photo, petit film, et nous voilà déjà repartis!
La descente s'avère plus pénible finalement. D'abord le sentier est très raide, partiellement gelé et glissant et surtout très long.
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Quatre heures de descente font mal, surtout quand c'est aussi raide et casse-gueule. Véronique qui a de petits problèmes de genoux (vive le bad), souffre passablement malheureusement.
Mais quel panorama!!
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Nous faisons de courtes pauses et beaucoup de gens nous rattrapent, à l'inverse de la montée…
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Le paysage change rapidement. Nous plongeons dans un cirque glacière où d'immense moraine et lits d'anciens glaciers plongent vers la vallée. Devant nous des sommets impressionnants de 6500 à 7000m et au loin, majestueux l'Annapurna II. La végétation recommence à se montrer et de ce côté du col, les premiers arbres apparaissent dès 4000m!!!
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Nous plongeons dans la vallée et perdons 1500m avant de tomber vers 13h sur le campement d'altitude, pendant de Dharamsala, à Bhimthang, 3700m.

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Niché sur un plateau traversé par une rivière serpentant dans l'herbe, au bord de la moraine, c'est un assez joli camp à première vue dont nous occuperons la partie en dur la plus ancienne (et rustique): mini-chambres très basses (1m60) aux murs de bouse de yak séchée, au toit ajouré, sans isolation…
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et avec des lits formés de trois planches séparées de 2cm chacune… ça promet!
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Lorsqu'on demande où sont les toilettes, on nous répond que cela n'est pas défini. Et de fait, les gens urinent plus ou moins n'importe où dans le camp, à l'emplacement des tentes ou des tables, qu'importe, finalement. Il n'y qu'un seul "cabinet" de toilette, quelques planches très ajourées, autour d'un tas d'excréments, même pas dans un trou… On est dégoûté… On en rit finalement …et une nouvelle échelle va naître, l'échelle fermée de Ri-chiot (voir le blog de Julie).
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Bonne expérience pour nous tous, on visitera la nature cette fois au lieu de se servir des "infrastructures" en place…
La température nous permet juste (pour les courageux, pour les filles, c'est lingettes humides) de nous restaurer en t-shirt, et de nous laver à la rivière, dans une propreté relative, la rivière drainant les toilettes à même le sol de tout le camp. Un cadavre de mulet gît même à 2 mètres de l'eau, mais on commence à faire moins de cas de ce genre de "détails"… de toute façon, d'une manière ou d'une autre c'est cette eau que l'on boira de toute façon un peu plus bas! Mais soudain, le ciel se couvre, et le brouillard nous envahit. Là, c'est la douche froide. La température chute brutalement sous zéro et nous voilà à sortir tout l'attirail grand-froid et de nous réfugier dans la seule pièce du camp.
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Là nous jouons au UNO pendant qu'une femme seule prépare la cuisine pour le souper. Petit à petit c'est une vingtaine de porteurs, de guides qui viennent squatter la cuisine où il fait 8° grâce au foyer à même le sol (c'est une chance que ce feu de cuisine soit ici au milieu du "restaurant" car c'est rarement le cas). Cette femme qui va et vient, fait la vaisselle, sert à table, prépare le repas sur deux casseroles posées à peine au-dessus des flammes! On est admiratif… et frigorifié, tout ceci se passant, bien sûr, porte ouverte, avec "pas de fenêtre" mais un volet, et une lucarne, faite d'un cornet plastique glissé sous les pierres du toit. C'est en plus du reste… très sombre et lugubre…
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Tout est noir de suie et l'hygiène est très relative dans ce restaurant, même si chaque geste est fait avec soin. La patte à tout faire, vaisselle, essuie-tout, arrangement des bûches, nettoyage des patates, des services de cuisine etc etc, nous fait froid dans le dos.
Le froid dans le dos devient réel, puisqu'il neige maintenant dans la cuisine/salle à manger/chambre à coucher…. La nuit va être froide….
Après des nouilles chinoises on relance des parties de cartes, repoussant le plus possible le moment de sortir. On est frigorifié, comme tous ceux qui se pressent dans ce tout petit local, et l'arrivée de la neige ne retient personne dehors. Nous sommes abasourdis par la dureté de ces gens, qui pour la plupart sont encore à pieds nus dans leurs tongs, et qui jusqu'à l'arrivée de la neige jouaient aux cartes assis dans l'herbe, dans le brouillard et par -5°! La vie ici est dure, très dure, et la nuit ne repose pas beaucoup….planches avec une couverture sale…
Les distractions sont très limitées, jeux de cartes ou discussion autour du feu de cuisine. Pour les touristes sous tente, le seul refuge est le sac de couchage jusqu'au lendemain. Pour nous, en loge, c'est l'occasion de vivre et d'observer les gens d'ici. On est les cinq sur la seule table de la cabane… tout le monde se presse contre le feu, nous observe jouer aux cartes… la femme, elle, seule, sans sourcilier, prépare à manger pour tous sur ce même feu…
La soirée UNO est hilarante on ne sait trop pourquoi… Est-ce la réussite du col, le côté limite du confort qui commence à nous fatiguer, le froid??? Bref on rit de bon cœur!
A neuf heures toute la famille est au lit, avec du rab' de couverture pour essayer de mieux dormir qu'hier! Couvertures qui comme d'habitude sont sales et sentent la poule…..
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