Mardi 8 novembre
Nouveau lever par un ciel limpide qui augure d'une journée exceptionnelle.
Petit déjeuner avec des pancakes cette fois, je sors l'aspirine en prévention du mal aigu des montagnes. On dit qu'on peut tenter de l'éviter entre autre avec ce médicament pris la veille de l'arrivée à 3500m. On est pile dans le créneau. Notre guide n'est pas très inquiet! Un petit mal de tête serait normal, mais le tour du Mansalu n'est pas connu pour générer de MAM en raison de la très longue montée en partant de la plaine. A l'inverse le trek du camp de base de l'Everest qui démarre à 2800m à Lukla avec un vol direct de Katmandu. Evidemment dans ce contexte, l'acclimatation peut s'avérer plus problématique.
Nous quittons le petit village de Namrung et croisons rapidement un superbe champ de blé aux couleurs d'or qui contrastent avec le bleu du ciel et le blanc des sommets.
Des paysans s'affèrent à moissonner et les enfants nous accueillent par des "Namaste Balloon". Nos enfants ont des voitures plein les poches (merci Jeane pour le sac!) et cela donne droit à des émerveillements comme on a rarement vu.
Les petits Tibétains sont particulièrement attendrissant dans leur grande robe rouge, mais particulièrement sales! Les nez sont tous morveux et les joues crotées… Les adultes ne sont d'ailleurs pas beaucoup plus soignés, et pourtant ils ont de l'eau. C'est tout de même assez étonnant comme changement à quelques heures de marche de distance de voir un peuple qui se lave sans arrêt – visage, pieds, jambes, dents - et un autre qui semble ne jamais le faire.
Très vite nous croisons des stupa bouddhistes et des temples sommaires.
Les villages sont fait de contrastes de couleurs envoûtants! Entre les gris des pierres, le vert des montagnes et le blanc des sommets sur fond azur, les drapeaux multicolores et les nombreuses décorations contrastes avec une vigueur incroyable! C'est une explosion de vie!
Au plafond de chaque porte, Buddha et les dieux hindous (en particulier Yama, dieu de l'ignorance, qui garde le royaume des morts, et attribue les places en fonction des karmas)nous regarde passer...
On distingue au loin les sommets du fond de la vallée et on commence à sentir la présence du Manaslu tant espéré! Je me réjouis à l'idée de pouvoir l'apercevoir de loin tant je me rends compte que ce serait un vrai cadeau que de le voir sans nuage!
Et tout à coup… le voilà!
Majestueux avec ses deux sommets séparés, l'un comme une pointe et le deuxième comme une corne, qui se font face, dominant une face rocheuse et un glacier suspendu avec, de l'autre côté d'une longue arrête, une cascade d'immenses séracs! C'est juste fabuleux! Quelle chance et quelle émotion!
La marche avec un tel panorama est une promenade de santé, en dépit de l'altitude qui commence à être respectable.
Les petits villages se succèdent, richement décorés de drapeaux de prière qui flottent au vent de vallée.
Puis devant nous se profile le grand village de Lho et son monastère. On voit de loin se détacher des milliers de drapeaux multicolores qui parent la colline au sommet de laquelle se dresse le monastère. En arrière plan, majestueux… le Manaslu. Difficile d'avancer tellement le spectacle est saisissant.
Nous avons la chance d'arriver alors qu'un grand Lama est présent dans le monastère. Son arrivée a donné lieu à une grande fête et le village est particulièrement décoré. Nous arrivons à la lodge pour le repas de midi et l'après-midi sera consacré à la visite du monastère.
Pendant le repas, la vie continue dans le village.
A côté de nous les paysans moissonnent et passent régulièrement avec d'énormes chargements de paille, portés à dos d'homme bien sûr. Les caravanes de mulets ont cédé la place aux yaks, et on se sent de plus en plus en pays tibétains. Je revois tant de visages connus que je me remémore mes lectures de Cosey.
On est en plein "Le Buddha d'Azur" et je me réjouis déjà de m'y replonger. J'ai toujours été sensible à son style mais en voyant l'original je mesure encore mieux le génie.
Un jour il faudrait que je puisse dire merci à des gens comme ça, qui m'ont donné par leur art autant d'émotion et de frissons. Je pourrais faire de même avec pas mal de musiciens, Clapton en tête, mais en BD c'est clairement Cosey qui détient la palme en matière d'humidification de mes yeux!!!. Dans la rue les enfants jouent, et attendent parfois un petit cadeau, mais ils s'amusent surtout à regarder les touristes dont certains profitent de la "fontaine" pour se laver! Là c'est l'étonnement le plus complet pour ces gamins qui n'ont jamais vu de peaux si blanches!
Nous nous installons ensuite, faisons une petite lessive dans une eau glaciale, puis partons visiter le monastère, 200m plus haut, ce qui fait au passage un bon exercice d'acclimatation.
En sortant du village on longe un long mur de prière orné d'immenses drapeaux puis après plusieurs portiques, on atteint la porte principale du monastère richement décorée de sculptures multicolores.
Derrière de nombreuses coulées de neige grondent dans la montagne, et renforcent notre sentiment de petitesse.
Le chemin serpente encore un peu puis pénètre dans l'enceinte, une vaste cour bordées de maisons de deux à trois étages en bois. Le centre de la cour est occupé par le temple et la première chose qui frappe sont les escaliers d'entrée couverts de chaussures parmi lesquelles … des crocs!. Une cérémonie est donc en cours. Nous avons la chance d'assister de dehors à la prière et à ces mélopées caractéristiques au son des cornes et des trompettes. Les 140 petits moines présents sont un peu perturbés par notre présence au seuil, mais tout cela se fait dans la bonne humeur et les sourires.
Autour, quelques non moines prient, faisant tourner leurs moulins à prières. On est en plein rêve. Tout cela au pied de montagnes de sept à huit milles mètres…
C'est proprement envoûtant!
La cérémonie se termine après deux heures par la sortie de moines plus âgés qui amènent des symboles religieux aux pratiquants restés sur le perron, puis par la sortie du Lama, accompagné par une procession jusqu'à sa chambre qui donne sur la cour.
Nous sommes honorés d'avoir pu assisté à cette cérémonie et repartons dans notre village, tout chamboulés. Derrière nous le Manaslu se drape d'ombre, le froid est de retour, face à nous la plaine s'endort gentiment alors que les paysans continuent à se presser de rentrer la moisson.
Nous soupons de bonne heure comme chaque soir pour limiter le nombre d'heures au froid. Dès 17h le soleil est couché et à 18h il fait nuit avec une température qui descend rapidement près de zéro. Petit UNO-3000 avant d'aller se coucher mais à 5° dehors (et on mange dehors bien sûr) on ne fait pas trop long! Jolan, Véronique et moi avons nos premiers saignements de nez! 12h après notre comprimé d'aspirine, rien d'alarmant mais j'essaierai de me rappeler de ça la prochaine fois que quelqu'un minimisera cet effet secondaire en salle d'op! (on ne pique pas de péridurale chez qqn sous aspirine…!!).
Nous partons donc nous coucher vers sept heures et demie. La surprise du jour, vient de l'épaisseur des matelas. Quelque 4 cm, mais alors c'est du béton! Heureusement que mes côtes vont mieux sinon c'était nuit blanche!
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