Et ce matin j'écris au bord de l'eau en petite tenue. Il fait un temps superbe et à 8h déjà presque 20° au soleil même si le fond de l'air est un peu plus frais! Franchement j'espère que cela va durer un peu!
Nous déjeunons longuement sur une table en béton posée sur la roche au bord de l'eau. L'endroit est magique!
Nous quittons tardivement ce coin reposant et continuons de longer la côte arctique dans un univers grandiose. La succession d'îles, de fjords, de lacs et de forêts est magique. Certains lacs ne sont séparés du fjord adjacent que par quelques mètres de distance mais aussi d'altitude, ce qui donne une impression de suspension étonnante! A plusieurs reprises le seul moyen de passer est de prendre un ferry car toute la région est coupée à l'est par une "chaîne" de glacier à 1500m d'altitude. Pas de route "échappatoire" et pas de moyen de faire autre chose que la route proposée… dans ce coin qui est une sorte d'île sur le continent. Tout les chemins de traverse sont non-goudronnés et amènent, donc appartiennent aux habitants bordiers.
Nous arrivons à 14h04 pour prendre le ferry. Là un type exubérant d'une soixantaine d'année arrive vers nous en gesticulant dans un sabir incompréhensible probablement norvégien… Le malentendu dissipé il rit et m'explique qu'il a loupé (et nous donc..) le ferry de 14h et que le (nous) voilà coincé jusqu'au suivant. Contrairement aux routes touristiques, ici les ferry fonctionnent et s'adaptent au débit.. et il y a très très peu d'habitant!! Donc nous voilà coincé pour trois heures… Nous faisons un brin de causette avec ce Monsieur qui vient de passer sa journée, juste pour amener sa voiture au service alors qu'il habite de l'autre côté du fjord (1 heure en bateau).
Après une petite balade pour passer le temps, nous embarquons et retrouvons notre local sur la bateau. Il nous propose des explications si besoin, puis se met à nous bombarder de question. Nous finirons par nous faire offrir un café chez lui.
Au sortir du ferry nous le suivons donc quelques kilomètres sur une route perdue puis 1500m sur un chemin de terre battue jusqu'à deux petites bicoques face à la mer à 50 mètres de l'eau à marée haute. A l'arrière une petit montagne de rocher abrupte habité seulement par des aigles. Une des maisons est en rénovation et était celle de ses parents et la voisine et neuve. Il est temps de faire les présentations: il se nomme Pier-Anton et nous présente son épouse Lindy. La maison est toute petite, sur 2 étages avec en bas une cuisine- salle à manger-salon ouverts donnant sur la mer par une vue de rêve sur les îlots, de petites criques et des brins de fjords tout intriqués.
L'endroit était à l'époque accessible uniquement par mer et leur jardin devant la mer était un marché ouvert pour la région. Pier nous raconte qu'à chaque coup de bêche, il trouve des pièces de monnaies en argent, mais malheureusement sans valeurs actuelles.
Actuellement sans emploi et entretenu par sa femme institutrice au village voisin, il est un ex-employé d'église, ayant travaillé de nombreuses années à Madagascar. La maison est d'ailleurs remplie d'objet d' "art" provenant de ses missions africaines.
En fait de café, Pier commence à préparer un vrai souper et sort tout de son frigo, surveillé par sa femme, car il semble un peu distrait dans ses préparatifs. Nous avons ainsi droit à goûter caviar, œufs d'esturgeon à la poêle, miettes de maquereau à la tomate, crevettes qu'il nous apprend à décortiquer à la méthode rapide! Tout ici sent la simplicité: dans les rapports d'abord, dans les comportements ensuite… et nous sommes très honorés et un peu gênés de temps de naturel! Par exemple, il prépare ses tomates sur le tapis de la cuisine (!!!) alors qu'ils vivent avec un chat… ou alors il nous vente la délicatesse des œufs de crevettes en les décortiquant, et lorsqu'il en trouve, il les aspire rapidement du bout des lèvres, mais remet néanmoins la crevette préparée dans le plat commun… Assez rustique en somme! Mais sympa!
Nous passons une soirée géniale à passer en revue les habitudes culinaires de nos pays, des souvenirs communs de Madagascar (où nous avions passé 2 semaines de notre voyage de noces), les histoires de nos familles.
Leur projet actuel est la construction d'une troisième maison et la rénovation de la vieille pour disposer de 2 maisonnettes de locations pour touristes. Le travail ne manque pas et leur seul vrai problème de vie est l'absence d'eau courante. Il faudra 1500m de fouille pour amener l'eau et il est clair qu'il s'agit d'une fortune pour eux même si la commune participera à hauteur de 50%. D'habitude la pluie leur suffit, mais cet été de sécheresse leur est vraiment problématique! Et actuellement nous vivons en plus une période caniculaire! C'est vrai que nous avons passé la journée en t-shirt alors que d'autres années ils ont déjà de la neige!
Leur vie est centrée sur la nature, culture de végétaux pendant l'été, et préparation des réserves pour l'hiver: pêche, récoltes de baies, agriculture.
Leurs quatre enfants volent plus ou moins de leurs propres ailes, bien loin de cet isolement et c'est amusant d'entendre leurs trajectoires depuis un endroit si paumé! Un prêtre, un musicien de jazz, une sociologue et une autre étudiante à l'uni.
Leur maison est régulièrement visitées par les élans, véritables plaies locales par leur impact et leur agressivité parfois. En hiver, c'est les phoques qui viennent prendre un peu de soleil sur la neige de la plage du jardin.
Nuit tranquille au bord du fjord qui nous sépare du glacier du Svartisen que nous visiterons demain.
Nous nous quittons heureux d'avoir vécu ce moment privilégié au bout de nulle part!
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