Nuit à la Mosquée, réveil pratiquant...

La nuit est incroyablement calme et jusqu'à 5h50 on se croirait en campagne. Le muezzin nous rappelle à l'ordre et à la prière avant 6h avec un volume sonore hallucinant… c'est même impossible de s'entendre parler! Il faut dire que nous sommes à 5m du mur d'enceinte (on aurait pu se coller contre mais c'était moins discret!) et donc à 15 m maximum du minaret sud-ouest de la plus grande mosquée du monde… et de l'histoire…

Chap: "Mais y font comment les non-pratiquants…??"

Moi: "Ben… y pratiquent!"

Les enfants ont presque peur… le niveau sonore est assourdissant!

A 8h débarque le gardien du parking, petite discussion en turque (donc avec les mains pour moi…), ce sera 50 lires soit 25.- CHF pour la journée et la nuit! En comparaison avec les 100.- la nuit d'hôtel, et pour être chez nous au pied de la Mosquée Bleue, on est vraiment gâté. Nous annonçons au moins 2 jours mais il nous demande de payer quand la patronne viendra! Cette dernière débarque un peu plus tard, maîtresse-femme qui nous accueille à bras ouverts, pas de négociation de prix, mais elle nous fournit en plus l'électricité pour la nuit! Par-fait!

Pour ces jours à Istanbul, on fait une exception à notre écolage, la journée étant culturellement suffisamment dense pour que nous ne passions pas 3 heures à travailler nos livrets ou notre voc allemand…

D'ailleurs à propos d'école nous sommes parqués à côté d'une école et pour notre premier matin nous avons le droit au lever du drapeau, devant un gigantesque panneau à l'effigie d'une personnalité.. (le président?) accompagné par le chant de l'hymne national par Monsieur le directeur, tous les élèves alignés en colonne par un dans la cour de l'école.... Ca rigole pas!

On commence notre visite par un cour sur les tapis par le proprio du magasin voisin. Evidemment ses tapis sont magnifiques et il nous fait le grand déballage, surtout quand on lui demande si il a du recto-verso en soie.. Là sans le savoir on fait mouche car sur 2000 tapis en stock, il n'a que 4 de ces pièces rares… La technique oblige un tissage à 2 personnes en simultané et demande donc non seulement plus de monde mais surtout une synchronisation de chaque nœud! A la main un tapis fin nécessite un an de travail par mètre linéaire! Chap et moi sommes d'accord sur le plus beau tapis (non recto-verso) et tissé + brodé, mais le prix, même bradé est rédhibitoire… 4500€! Certes la pièces fait 2m par 3m et est évaluée à 2 ans de travail mais c'est chérot quand-même!!!

50 mètres plus loin sur la place de l'hippodrome devant la Mosquée Bleue nous avons le droit à une démo de tissage et les enfants peuvent faire un nœud chacun… Le tapis sur le métier datait de 6mois et il y avait 50cm… C'est là qu'on réalise pleinement ce que signifie un tapis!

Nous poursuivons notre visite par le musée/palais Topkapi.

Je peine à trouver les mots pour décrire ces merveilles. Le palais des Sultans est ce qui s'est fait de plus riche dans l'histoire de l'homme probablement… L'ensemble est immense, la décoration de faïence et de marqueterie est d'une beauté saisissante, la richesse des pièces et des ornementations époustouflante. Difficile d'imaginer ce que pouvait être ce lieu dont les cuisines, pour donner un chiffre parmi d'autres… pouvaient servir des repas pour 10 à 15 MILLES convives…

Nous n'avons pas tout vu et notamment pas le Harem, les enfants étant saturés, mais les reliques et le trésor laissent sans voix… La richesse et la beauté de ce qui se faisait là-bas donnent une petite idée de la grandeur de cet empire et on ne peut que se sentir de tout tout tout petits occidentaux… Par exemple à chaque naissance d'un prince au sérail, on construisait 3 berceaux d'or couverts de rubis, d'émeraudes et de diamants, les coussins et tissus étant cousus de fil d'or… Nous, on fait des maxy-cosy…

La salle des circoncisions

Ou quand le sultan écrivait une missive à un chef d'état, le coffre de la lettre était un coffre en d'or finement ciselé, lui aussi couvert de pierres précieuses… (il faut me croire sur parole, les photos sont interdites...)

Tout est finesse et subtilité et je trouve soudainement "notre" art occidental et baroque pataud et lourd. Sans sculptures ou presque, sans fresque, l'ensemble de la décoration est dans le travail de la surface des murs, des sols et des plafonds.

Tout cela est grandiose…

On pousuit notre visite par la Mosquée Bleue, Sultanahmet de son vrai nom. Elle a été construite vers 1610 dans le but d'essayer d'égaler Aya Sophia, que l'on traduit faussement par Ste-Sophie mais qui est en fait la "Divine Sagesse". Ste-Sophie qui jouxte le palais de Topkapi fût d'abord une église puis une mosquée. Elle avait été construite au 5^ème siècle et abimée d'innombrables fois, reconstruite, reconvertie, restaurée etc… En 1620, l'architecte de la Mosquée Bleu, un certain Mehmet Aga, élève de Sinan, le plus grand architecte de l'époque, s'inspire de Ste-Sophie et réalise Sultanahmet pour le sultan Ahmet. Particularité la Mosquée Bleue est une des seules sinon la seule mosquée à avoir 6 minarets contre 4 habituellement.

Aga était en outre joaillier, détail qui a son importance quand on entre dans la Mosquée…

L'intérieur est couvert de dizaines de milliers de carreaux de faïences d'Iznik avec une dominante de bleu, ce qui lui vaut son nom, mais aussi de marqueterie et de dorures. La beauté et la pureté de ce lieu est étourdissante. C'est absolument gigantesque et à la fois d'une grande finesse. Les coupoles sont soutenues par quatre monstres piliers dit "en pattes d'éléphant" qui doivent faire cinq mètres de diamètre! L'immense tapis rouge entièrement tissé à la main passe presque inaperçu tant le regard est attiré vers le haut. En levant les yeux on s'arrête sur un dôme puis sur un deuxième, un troisième et enfin on arrive au dôme sommital magnifiquement décoré. L'intérieur n'est éclairé que par de petites lampes fixées sur une sorte de herse à quelques mètres de haut, suspendue depuis le sommet par d'infinis câbles qui donnent encore un peu plus de mystère à l'ensemble. Les ampoules électriques si faibles n'apportent presque rien, mais les 260 fenêtre en arches, couvertes de vitraux donnent une luminosité divine à l'endroit. Il y pratiquement à chaque minute de la journée un rai de lumière qui illumine une ou l'autre des écritures dorées d'une des voûtes… c'est tout simplement grandiose, un véritable bijoux…

Je n'ai simplement jamais rien vu d'aussi beau, et tout au long de notre séjour à Istanbul j'y passerai plusieurs fois par jour sans avoir envie de voir autre chose. La force dégagée par l'endroit est envoûtante.