Depuis notre arrivée en OZ nous croisons régulièrement des backpackers, voyageurs sac-au-dos. Que ce soit au camping, dans les parcs nationaux parfois, dans les auberges de jeunesse. Ici à Margaret River, leur quantité est impressionnante car l'endroit est assez alternatif tout en étant entouré de grands vignobles baignant dans le soleil et dans l'argent. La perspective d'un petit boulot attire donc les jeunes, européens, américains, asiatiques comme les guêpes sur une tranche de jambon. Le plan "petit job pour voyager" en séduit beaucoup et a priori nous trouvions le concept sympa. Les enfants sont encore tout imprégnés de l'idée: je prends un billet pas cher et là-bas je bosse juste assez pour vivre simplement, surfer et visiter le pays…
Oui… MAIS!
Depuis que nous les croisons, notre image du bon plan "jeune" est entrain de se craqueler comme une peinture bon marché… luisante et belle au premier coup d'œil, mais devenant vite terne et abîmée. Nos premiers voisins backpackers, un couple de français, Amandine et Pierre, avaient évolués petit à petit, passant de l'esclavage pur - à creuser une piscine à la main…-, à un job fixe et décemment payé – dans un carwash-, mais il leur avait fallu faire le point dans leur poche pendant plusieurs mois. A peine nourris, logés parfois comme des animaux, payés au lance-pierre, quand ce n'est pas simplement par un peu de nourriture, il leur a en effet été difficile de s'en sortir et de partir ne serait-ce qu'ailleurs, à la recherche d'un plan moins glauque.
Ici le "fruits picking" – ramassage des fruits- va bon train et la période de vendange a attiré une masse de gens. Véronique, débrouille et proactive comme toujours, a eu l'occasion de faire connaissance avec une jeune canadienne de 24 ans, Martina, qui a répondu à son annonce à la recherche d'une prof d'anglais. C'est ainsi que plusieurs fois par semaine elle a des séances café-conversation en guise de cours d'anglais. L'occasion pour Chap de mieux comprendre la problématique de ces "ex-pats" et leur difficulté de vie. Le fruit-picking se fait sur appel, en général pour le lendemain. Le tarif est fonction du poids de fruit ramassé et une grosse journée peut rapporter 70$. Mais la plupart du temps, Martina doit se contenter de 20-40$ par jour, récoltés en général sur quelques heures le matin. Toutefois, l'opportunité de gagner ces quelques sous ne lui est pas servie tous les jours, loin s'en faut! Il en reste une situation bien précaire, à la limite de la "survie" dans un environnement riche où tout coûte excessivement cher! Ces backpackers plein d'idéaux se retrouvent donc souvent enterrés dans leur trou, complétement bloqués, à la merci du premier mauvais plan! Cette jeune canadienne, venue à la base retrouver son Jules, se retrouve seule, maintenant qu'ils se sont séparés, mais partageant la même tente, forcément, sans le moindre argent pour décamper. Elle n'a par exemple jamais eu l'occasion de venir voir la mer, depuis tout le temps qu'elle est à Margaret River. Pas de transports publics locaux, pas de moyen de transport privé, et pas assez d'argent pour louer un vélo! Reste qu'elle a eu l'intelligence de partir du Canada avec un billet aller-retour, ce qui n'est pas le cas de tous ces voyageurs, qui finissent par se retrouver en bout de visa, sans le sous pour repartir, et très vite illégaux. La situation n'est évidemment pas favorisée par l'offre de la loi et de la demande, largement à leur défaveur! Depuis des années on parle de possibilités fantastiques en Australie, de woofing (travail en échange d'un hébergement), de visa vacances-travail (working holidays), mais le concept est largement victime de son succès!
Leur situation est connue des autorités bien sûr et la presse se fait l'écho de leur désarroi. La région du Cape Leeuwin au Cape Naturaliste, ces 100km de côtes de part et d'autre de Margaret River, ne comporte AUCUNE zone de camping "budget" ou gratuit, comme partout ailleurs en Australie. Ceux d'entre ces voyageurs qui comptaient sur leur bus ou leur voiture pour leur servir de lit bon marché comme n'importe où ailleurs, se retrouvent donc déboutés et amendés régulièrement par les rangers qui les pourchassent: 150$ d'amende par personne en cas d'interpellation pour camping sauvage! Dissuasif quand on ne gagne pas ça en une semaine de travail! Mais assez peu honnête tout de même sachant que la région profite largement de cette main d'œuvre bon marché pour faire fonctionner son agriculture et sa viticulture si renommée. Le débat est donc vif, notamment en ce moment, et l'expérience une fois de plus intéressante pour nos ados, qui réfléchissent déjà à leur futur passeport australien et à leurs plans pour revenir dans ce coin de paradis!!! Pensez-vous… l'école qui ressemble à une colonie de vacances et le spot de surf accessible à pied depuis la maison, des copains d'autant plus sympa que nos 3 enfants amènent un peu d'exotisme à l'école, un climat enchanteur (on est là à la meilleure période possible, ni trop chaud, ni trop froid ou humide et venté) et le porte-monnaie des parents avec ce bout de plastique qui a l'air de pouvoir tout payer! Les rencontres avec les ramasseurs de fruits désabusés arrivent à point nommé comme contre poids à leurs fantasmes…